Une surprise, la victoire d’Enea Bastianini au Grand Prix du Qatar ? De nombreux éléments indiquaient en fait qu’il fallait s’y attendre. Ascension depuis l’été 2021, nouvelle moto performante, week-end costaud… GP-Inside revient sur les signes annonciateurs d’un succès que peu avaient vu venir, et qui étaient pourtant sous nos yeux.
Parce que c’était écrit dans le passé
La discrétion et la simplicité du garçon font qu’il est passé plus inaperçu que certains, mais il ne faut pas oublier qu’Enea Bastianini n’est pas arrivé en MotoGP par hasard. Six victoires, trente-deux podiums, un titre de champion du monde Moto2 (2020), plus une médaille de bronze (2015) et d’argent (2016) en Moto3 : la Bestia, c’est avant tout du pur talent.
« Une année pour apprendre, une année pour gagner. » Tel fut le mantra appliqué par Enea Bastianini dans sa carrière. Arrivé en championnat du monde Moto3 en 2014, il s’est mis à gagner à partir de l’année suivante. Rebelotte en Moto2, où il a fait ses débuts en 2019 puis remporté trois Grands Prix en 2020. Un schéma qui s’est reproduit en MotoGP : il a pris son premier départ en mars 2021, et a décroché sa première victoire en mars 2022.
Reste maintenant à savoir si une autre de ses performances du passé va se répéter : terminer dans le top-3 du classement général dès sa deuxième année dans une nouvelle catégorie. Il l’a fait en Moto3 en 2015 (troisième), puis en Moto2 en 2020 (champion du monde). Réponse dans huit mois.
Parce qu’il était sur la pente ascendante
Arrivé en MotoGP en 2021, Enea Bastianini s’est immédiatement montré dans le coup. Équipé d’une Ducati Desmosedici GP19 « vieillissante », il n’en a pas moins réalisé des débuts prometteurs, avec trois bons résultats aux Grands Prix du Qatar (10e), de Doha (11e) puis du Portugal (9e). Un autre rookie, Jorge Martin, occupait l’espace médiatique de par ses performances exceptionnelles, mais Bestia construisait lui aussi son chemin.
La suite a été un peu plus difficile, mais il a franchi un cap à la fin de l’été, et s’est alors converti en protagoniste de la catégorie. Ses six dernières courses de la saison se sont toutes terminées dans le top-10, dont deux sur le podium. Dans le détail : 6e en Aragon, 3e à Misano, 6e à Austin, 3e à Misano (2), 9e à Portimao (2), 8e à Valence. La machine était lancée.
Le passage de la GP19 à la GP21, une moto « meilleure partout », a donné un boost supplémentaire à cette montée en puissance. Et cela ressortait dans le classement de la pré-saison établi par GP-Inside, sur la base des résultats des tests de Jerez, Sepang et Mandalika. Pourtant pas expert de l’exercice du tour rapide, Enea Bastianini figurait au quatrième rang derrière Francesco Bagnaia, Fabio Quartararo et Pol Espargaro. Cela faisait par ailleurs de lui le meilleur pilote satellite.
Parce qu’il est paradoxalement dans une meilleure situation matérielle (pour le moment)
Qui dit nouvelle saison dit nouvelles motos. Mais avec seulement cinq journées de roulage en février, sept en comptant les essais de Jerez 2021, les prototypes 2022 ne sont pas encore correctement réglés. D’autant plus que la pré-saison a été marquée par des épisodes pluvieux à Sepang et Mandalika, et un souci de propreté sur la piste indonésienne. De précieuses heures de travail ont été perdues. Pilotes et ingénieurs doivent donc encore engranger des kilomètres pour mettre tout bout à bout sur les machines.
Or, Enea Bastianini n’a pas ce problème : lui a reçu la version 2021 de la Ducati, avec laquelle Francesco Bagnaia a dominé la fin de la saison dernière (quatre victoire lors des six dernières courses). Cette Desmosedici GP21 est déjà au point, les Ducatistes savaient comment elle allait réagir à Losail – où deux courses ont eu lieu en 2021 –, et Bestia n’avait pas de travail de développement ou de test à faire. Contrairement à d’autres, il a pu se concentrer uniquement sur ses performances, et est arrivé mieux préparé sur la grille.
Parce qu’il avait bien bossé aux essais
Le nom d’Enea Bastianini n’est pas apparu au sommet du classement lors de la course qatarie. L’Italien s’est d’abord distingué en remportant la troisième séance d’essais libres (FP3), gagnant ainsi son ticket pour la Q2. Il a ensuite répondu présent en FP4, où même s’il ne termine « que » dixième, l’écart avec le deuxième était de seulement 148 millièmes.
Quelques minutes plus tard, il s’est qualifié deuxième à 147 millièmes de la pole position de Jorge Martin. La meilleure Q2 de sa carrière en MotoGP (précédent record : neuvième place en Aragon 2021), et sa meilleure qualification depuis… Assen 2018, à l’époque de la Moto3 (!). Dimanche, il a renforcé son statut de candidat à la victoire en se montrant le plus rapide du warm-up, dernière session avant la course. Cela a fait de lui le seul pilote à dominer deux séances d’essais durant le week-end.
Parce que quand il se qualifie bien, il finit devant
GP-Inside vous l’avait expliqué cet hiver, chiffres à l’appui : Enea Bastianini est un homme du dimanche. En 2021, il s’était souvent qualifié loin, avant de réaliser de solides remontées. En témoignent son classement au championnat des qualifications (19e) avec le championnat réel (11e) : 8 places de différence. Il était donc à prévoir qu’en partant enfin devant à Losail, il allait pouvoir être immédiatement parmi les leaders.
Une autre statistique est alors à souligner sur le sujet. Les quatre dernières fois où il était parti depuis la première ligne (Qatar, Andalousie et République-Tchèque 2020 en Moto2, plus Aragon 2018 en Moto3), Enea Bastianini avait terminé sur l’une des trois marches du podium. Cela fait désormais cinq avec Losail 2022.
Parce que Losail répond à ses spécificités
Le Grand Prix du Qatar se déroulant de nuit, la température chute au fil des kilomètres de course, et celle-ci exige une gestion des pneumatiques particulière. La victoire de Fabio Quartararo en 2021 en témoigne : le Français a d’abord passé du temps derrière afin d’économiser ses gommes, avant d’enclencher la seconde et entamer une remontée qui l’a mené à la victoire.
Or, Enea Bastianini fait partie des pilotes qui gèrent le mieux les pneumatiques. Les préserver en première partie de course pour finir fort en seconde, quand les autres perdent en cadence : il avait déjà montré à plusieurs reprises qu’il excellait dans le domaine. Ce que demandaient les 42 minutes d’effort de Losail correspondait à ce qu’il savait faire. Et il a parfaitement mis cela en application, restant prudent avec ses gommes jusqu’à la mi-course avant de hausser le ton, pendant que le leader Pol Espargaro a suivi le chemin inverse.
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