Tout juste rentré du Qatar, Sylvain Guintoli, pilote d’essai Suzuki en Moto GP, livre à GP-Inside son analyse pertinente du premier Grand Prix de la saison. Il revient aussi sur les principales évolutions de la GSX-RR qu’il développe depuis plusieurs saisons, et qui devrait permettre à Alex Rins et Joan Mir de se battre devant en 2022. Première partie de notre entretien, qui paraîtra sur deux articles.
GP Inside : Quelle est ton analyse du premier GP de la saison au Qatar ?
Sylvain Guintoli : « Le résultat a surpris tout le monde, moi le premier, avec une homogénéité et un niveau de performance incroyables ! La victoire de Bastianini était magnifique, un an après la tragique disparition de Fausto Gresini, avec l’émotion touchante de sa femme dans le stand, la deuxième place de Binder alors que les KTM étaient loin pendant les essais hivernaux, la nouvelle Honda qui fonctionne très bien, l’Aprilia carrément dans le coup… Bref, cette saison va être passionnante et c’est génial ! »
« C’est vraiment top pour la moto de pouvoir offrir un tel spectacle avec autant de bagarres et de rebondissements. Bien sûr, Fabio Quartararo est déçu par son résultat à Losail, mais ce qu’il fait sur et en dehors de la piste est phénoménal. Pareil pour Johann Zarco qui fait une course magnifique, avec un super rythme qui lui aurait permis d’être avec les meilleurs. Donc c’est certain, nos deux pilotes français se battront pour la victoire cette année et je pense qu’on va encore entendre la Marseillaise ! »
« Pour Suzuki et pour moi, c’est également un bon week-end même si nous ne sommes pas sur le podium. Nous avons prouvé que la moto a beaucoup progressé, notamment en vitesse de pointe puisque nous étions plus rapides que les Ducati. Nous avons validé en course les améliorations testées pendant les essais hivernaux. On aurait évidemment préféré se battre pour la victoire mais les pilotes ont souffert d’un petit souci de grip après quelques tours, et désormais, si tu perds un ou deux dixièmes au tour, c’est tellement serré que tu te retrouves hors du podium. Il faut savoir que cette année, le temps en course a été amélioré de plus de dix secondes, c’est énorme ! Regarde Fabio, il fait exactement le même temps de course que l’an passé où il avait gagné… et il termine neuvième ! »
Quelles sont les principales évolutions de la Suzuki cette année?
S.G : « À cause de la pandémie, les moteurs ont été « gelé’ en course pendant deux saisons mais pendant ce temps, nous avons travaillé en essais pour développer plus de puissance, en faisant attention à ne pas perturber le bon fonctionnement du châssis. Sur ces motos, chaque amélioration entraîne d’autres contraintes et il faut être vigilant pour ne pas perdre d’un côté ce que tu gagnes de l’autre. Nous avons également travaillé pour améliorer l’aérodynamisme, mais l’autre évolution essentielle, c’est notre Ride Height Device, le modificateur d’assiette qui permet d’abaisser l’arrière de la moto en sortie de virage. On a validé la version définitive à Sepang en février et les pilotes l’ont utilisée au Qatar. »
« Ce ‘device’ nous permet d’exploiter plus de puissance en sortie de virage et donc d’aller plus vite en ligne droite, ce qu’on a vu à Losail où la ligne droite est très longue. C’est vraiment important pour un pilote de savoir qu’il dispose de ce potentiel pour doubler ou pour protéger sa position. On utilise ce correcteur d’assiette dès que c’est possible à d’autres endroits du circuit, mais il faut impérativement qu’il y ait un gros freinage ensuite pour pouvoir remettre la moto dans la configuration initiale, sinon impossible de tourner ! C’est un système mécanique qui abaisse l’arrière pour plaquer la moto, on actionne un petit levier avec le pouce gauche sous le guidon et la moto reprend sa géométrie d’origine au freinage suivant grâce au transfert de masse sur l’avant. »
Tu penses donc que Suzuki peut se battre pour le titre cette année ?
S.G : « C’est certain ! Il faut savoir que le Qatar ne nous a jamais été bénéfique. Nous ne sommes jamais montés sur le podium à Losail, mais là, on n’était vraiment pas loin – Mir finit à moins de cinq secondes du vainqueur. C’est très encourageant de constater qu’on est franchement dans le coup ! Je pense que cette année, les performances des motos sont tellement proches que ce sont les pilotes qui vont faire la différence. On trouve quatre constructeurs différents aux quatre premières places, avec des pilotes surprenants. Qui aurait pu imaginer Bastianini, Binder et Espargaro sur le podium ? »
« De notre côté, Rins et Mir demandaient depuis longtemps d’avoir plus de puissance moteur pour parvenir à mieux se qualifier afin d’être immédiatement dans le groupe de tête, au lieu de perdre plusieurs tours et de prendre trop de risques pour revenir devant, comme c’était le cas jusqu’à l’an dernier. Donc ils sont tous les deux très confiants pour cette année. La moto est désormais performante et polyvalente, c’est exactement ce qu’il faut pour gagner un championnat ! »
« L’arrivée de Livio Suppo comme team-manager est aussi une très bonne nouvelle. Il a une très grande expérience puisqu’il a travaillé chez Ducati et chez Honda, et il a un rôle important pour fédérer l’équipe et assurer une bonne relation avec nos ingénieurs au Japon. En plus il connaît tout le monde dans le paddock, on a donc tous les ingrédients pour faire une belle saison ! »
« En ce qui me concerne, je vais peut être participer au Grand Prix du Japon à Motegi et, en tant que pilote test, je me tiens prêt à remplacer un des pilotes si besoin, on verra bien. Si j’ai l’opportunité, je ne me priveraie pas de l’immense plaisir d’être sur la grille au milieu de ces champions ! »
La suite de notre entretien avec Sylvain Guintoli à paraître demain, jeudi 10 mars.