De meilleures possibilités de rester en MotoGP tout en étant l’un des vétérans du plateau, une situation défavorable chez Ducati, un challenge relevé mais intéressant : voici pourquoi Johann Zarco rejoindra Honda à compter de 2024, pour ce qui pourrait être le dernier grand défi de sa carrière.
L’aventure de Johann Zarco chez Ducati prendra fin à l’issue de la campagne 2023, après quatre saisons et de nombreux podiums obtenus – 13 pour le moment. Le Français sera pilote Honda à partir de 2024, et sera placé dans l’équipe LCR de Lucio Cecchinello. Bien que le mercato ne soit pas terminé, il s’agit à n’en pas douter de l’un des transferts chocs de l’année. Elle mérite plusieurs éclaircissements, en attendant d’avoir les commentaires du principal intéressé ce samedi soir.
En premier lieu, d’où vient ce chamboulement ? D’un changement de situation au sein même de Ducati. Actuel troisième du championnat, Marco Bezzecchi s’est révélé au grand jour et entend disposer d’une moto d’usine en 2024. Mais il n’y en aura que 4 sur la grille, dont 2 réservées au team officiel (Francesco Bagnaia et Enea Bastianini) et une à Jorge Martin chez Pramac. Chez Ducati, il n’était pas question de retirer la dernière GP24 de Pramac pour la fournir à l’équipe VR46, où évolue Bezzecchi. « S’il veut une GP24, il devra aller chez Pramac », ont prévenu les dirigeants de la marque italienne à Silverstone. Ce qui mettait potentiellement en danger Zarco.
Le patron de Prima Pramac Racing, Paolo Campinoti, a beau vouloir conserver le Français, la décision ne lui appartient pas. On ne sait pour l’instant pas ce que Ducati a proposé au n°5, mais on lit entre les lignes que priorité a été donnée à Bezzecchi. Parce qu’il obtient de meilleurs résultats, mais aussi parce qu’il a 8 ans de moins que Zarco. Cette différence d’âge est un élément assumé par le directeur sportif de Ducati Corse, Paolo Ciabatti. A-t-on incité le Français à partir chez Gresini Racing ? Lui a-t-on proposé une GP23 au lieu d’une GP24 ? Le mystère reste encore à élucider. Mais quelque chose n’allait forcément pas, car on ne délaisse pas la meilleure moto de la grille sans raison.
En parlant de raisons, en voici d’autres. Quand Zarco disait, jeudi, que « Honda semble plus me vouloir que Ducati », il signifiait clairement que la marque italienne avait moins à lui offrir que sa rivale japonaise. Moins d’argent, d’abord. Ducati n’est pas le constructeur qui rémunère le mieux ses pilotes, et de loin. Les pilotes sont prêts à revoir leur rémunération à la baisse car ils ont plus besoin de Ducati que Ducati n’a besoin d’eux. D’après nos informations, Bagnaia gagnait 1,8 million d’euros en 2022, contre 5 pour Fabio Quartararo (Yamaha) et plus de 15 pour Marc Marquez (Honda). Zarco était lui à environ 500 000 euros. Alex Marquez, alors pilote Honda chez LCR, et bien moins classé que le Français, était mieux rémunéré (700 000 euros). Au HRC, Zarco gagnera mieux sa vie. Et il y a fort à parier que son manager a obtenu un bon deal, du fait de la situation sportive délicate de Honda.
Moins d’années en MotoGP, ensuite. Toujours d’après nos informations, Ducati souhaitait prolonger Zarco d’un an puis l’inciter à aller en championnat du monde Superbike en 2025. Mais le Français ne veut pas entendre parler du WorldSBK, car il a encore le potentiel pour rouler devant en MotoGP. Il le montre d’ailleurs en étant cinquième au championnat avant le Grand Prix d’Autriche. Au HRC, deux années de contrat seraient en jeu. Et qui sait : si les résultats de 2024 sont probants, pourquoi ne pas rêver de remplacer Marc Marquez ou Joan Mir au Repsol Honda Team en 2025 ?
Pour comprendre ces deux éléments, il faut rappeler que Zarco vient de fêter ses 33 ans et qu’il est le deuxième pilote le plus âgé du peloton après Aleix Espargaro (34 ans). Or, la moyenne d’âge du MotoGP 2023 est de 27,6 ans. Et les jeunes arrivent, puisque Pedro Acosta (19 ans) devrait grimper en catégorie reine en 2024, avant que des hommes comme Tony Arbolino (23 ans), Alonso Lopez (21 ans) ou Fermin Aldeguer (18 ans) ne toquent bientôt à la porte. Le Cannois n’est pas dupe et sait qu’il est dans les dernières années de sa carrière. Il a donc tout intérêt à faire des choix qui lui permettent de bien gagner sa vie et de continuer à être présent en MotoGP le plus longtemps possible.
Avec ce recrutement, Honda s’attire les services de l’un des pilotes les plus expérimentés, qui a déjà testé la Suzuki GSX-RR puis roulé avec la Yamaha YZR-M1, la KTM RC16 et la Ducati Desmosedici. Un atout de taille pour le développement de la Honda RC213V, un gros chantier que l’entreprise japonaise doit réussir pour retrouver les sommets du MotoGP. Le challenge est relevé, mais intéressant. S’il réussit, Zarco pourrait définitivement laisser sa marque dans l’histoire du sport moto en devenant le héros de Honda. L’homme qui a remis le premier constructeur mondial sur le devant de la scène. À suivre…