Julien Toniutti au TT avec les encouragements inattendus de Zarco !
La passion de la moto et l’adrénaline de la compétition à hauts risques, c’est ce qui a toujours guidé Julien Toniutti, quintuple champion de France des rallyes sur route. Après avoir participé de 2016 à 2018 au célèbre Tourist Trophy sur l’île de Man, il y est retourné cette année pour se confronter à nouveau à la course la plus dangereuse du monde. Récit d’une expérience à sensations.
GP Inside : Pourquoi as-tu décidé de participer pour la quatrième fois au Tourist Trophy cette année ?
Julien Toniutti : « Je voulais revivre des sensations qu’on ne trouve nulle part ailleurs. Quand tu roules à 300 km/h sur une route de campagne où la moindre faute est interdite, tu ressens des émotions d’une puissance exceptionnelle. Je me suis donc engagé dans deux catégories, en 600cc et en 1000cc, ce qui demande une logistique assez lourde qui se prépare plusieurs mois à l’avance, en disposant d’un budget conséquent entre l’achat et la préparation des motos, les frais de transport et d’hébergement de l’équipe, les assurances obligatoires, l’essence, la nourriture, les engagements, il faut compter plus de 60 000€ pour la semaine d’essais et la semaine de courses. C’est beaucoup d’argent mais c’est le dernier endroit au monde où tu peux rouler aussi vite sur la route en dépassant 200 km/h de moyenne sur un tour de 60 kilomètres ! »
« Bien sûr les gens pensent qu’on est des fous de participer à ce genre d’épreuves mais c’est tout l’inverse. Il faut être raisonné et raisonnable, toujours rouler avec de la marge et une concentration infaillible. Il faut savoir qu’entre les essais et les courses, on parcourt presque 2500 kilomètres, j’en suis donc, en quatre participations, à dix mille kilomètres, soit plus de 165 tours donc je connais chaque virage par coeur! Evidemment, j’ai connu quelques frayeurs, comme cette année quand j’ai percuté l’arrière de la moto d’un concurrent à 260 km/h mais avec l’expérience, j’ai appris à gérer le stress et tout l’enjeu consiste à contrôler et maitriser les dangers. C’est un peu comme ceux qui se jettent d’une falaise avec une aile dans le dos, on les prend pour des cinglés mais en fait, ils ont des capacités qui leur permettent de maitriser leur saut. Au TT, c’est pareil et c’est ce que les gens ont du mal à comprendre. »
Quelles sont justement les qualités dont il faut disposer pour oser participer ?
J.T : « Il faut être à l’aise et savoir rouler vite sur une moto dans un milieu naturel hostile, en ayant conscience des risques en permanence. Au TT, si tu fais une erreur, tu n’auras peut-être pas la chance d’en faire une seconde, il ne faut jamais l’oublier. Sur un circuit, tu peux rouler très vite et te mettre dans le rouge en ayant droit à l’erreur, c’est rarement grave. Là, la faute se paie cash, il ne faut jamais franchir la limite et avoir toujours de la marge, c’est une question de survie ! En huit saisons complètes de championnat de France des rallyes, je ne suis tombé qu’une seule fois en spéciale. » (NDLR: à ce jour, il est le français le plus rapide de l’histoire du Tourist Trophy).
« Les émotions que tu ressens quand tu termines une course comme la Senior TT, c’est à dire 6 tours et donc 360 kilomètres à cette vitesse, c’est une impression d’euphorie extraordinaire, comme en lévitation, je ne me suis jamais senti aussi vivant, c’est assez étrange. En fait, c’est comme si tu fais Lyon-Marseille en moins de deux heures mais sans passer par l’autoroute, juste en prenant les départementales ! Rouler pendant presque deux heures à plus de 200km/h, avec des pointes au delà de 300, c’est vraiment exaltant et je ne connais aucune autre discipline qui procure autant de sensations. Et pourtant, je n’avais aucun objectif de résultat et mon unique préoccupation était de pouvoir rentrer à la maison pour serrer mon fils dans mes bras ! Pour l’anecdote, j’ai eu l’honneur d’être suivi par Johann Zarco qui s’est abonné à mon compte Instagram et avec qui j’ai échangé avant et pendant l’épreuve. C’était gratifiant pour moi qu’un champion de son envergure prenne le temps de m’encourager et de suivre mon aventure. J’adore ce pilote qui fait preuve d’une curiosité rare, ce serait bien de le faire venir au TT en spectateur si j’y retourne l’an prochain. »
Que vas-tu faire maintenant ?
J.T : « J’ai créé la Toniutti Academy qui permet à deux jeunes prometteurs de participer au championnat de France des rallyes. Grâce à mes partenaires, je fournis tout, structure, moto (Yamaha MT09), pneus (Michelin), suspensions (EMC) et bien sûr mes conseils issus de ma longue expérience, eux ne paient que leur engagement à la course et leur licence ! C’est ma façon de rendre au rallye tout ce qu’il m’a apporté et de transmettre ma passion et mes connaissances à des jeunes qui le méritent. Comme je dis souvent, la passion n’a pas de prix, surtout quand c’est proche de zéro ! »
Crédit Photos : Diego Mola / Agusti Nubiola / Martins fotos