Dominique Méliand : « L’ambiance de Spa est unique au monde ! »
24h de Spa : J-30. Dans le milieu de la moto, on l’appelle Le Chef. Fondateur du SERT (Suzuki Endurance Racing Team)il y a plus de quarante ans, Dominique Méliand a passé sa vie sur les circuits, avec une affection particulière pour celui de Spa-Francorchamps qui revient début juin au calendrier de l’endurance mondiale. Il nous en donne les raisons.
GP Inside : Peux-tu commencer par nous donner des nouvelles de ta santé qui a été malmenée ces dernières années ?
Dominique Méliand : « Tu me connais, je n’aime pas me plaindre et aujourd’hui je vais bien, mais c’est vrai que j’ai un peu souffert. J’ai eu deux gros anévrismes aux jambes et j’ai bien failli y passer, mais grâce à la médecine moderne, on m’a mis des durites neuves et je suis toujours là ! C’était des moments difficiles et je fais régulièrement des visites à l’hôpital pour tout contrôler car j’ai bien l’intention de rester encore un peu ! Maintenant que j’ai fait la révision des 70 ans, je suis presque neuf ! »
Te réjouis-tu du retour de Spa au calendrier de l’endurance mondiale ?
D.M. : « Evidemment puisque j’ai un lien sentimental particulier avec ce circuit pour y avoir participé plus de vingt fois en endurance, mais aussi pour y avoir vécu une expérience particulière que peu de gens connaissent : quand j’avais à peine vingt ans, au milieu des années 60, j’y suis allé pour la première fois à moto pour assister au Grand Prix de Spa. A cette époque le public avait accès au paddock, j’avais sympathisé avec Mike Hailwood qui était mon idole et j’avais passé toute la course dans son stand, c’était génial ! Même si j’en avais envie depuis tout petit, c’est peut être cette journée qui a confirmé mon souhait d’être dans le milieu de la course puisqu’à ce moment, j’étais plombier et pas longtemps après, je me suis lancé en compétition moto où j’ai fait toute ma carrière. »
« C’est une très bonne nouvelle que l’endurance revienne en Belgique car le public belge est friand de ces épreuves. C’est une ambiance festive qu’on ne trouve qu’à Spa, où les gens sont vraiment gentils. Quant au tracé, il est magnifique, les pilotes l’apprécient et les récents travaux l’ont rendu nettement plus sûr qu’à la fin des années 70, ce qui était indispensable pour la sécurité des concurrents. Ma première participation officielle avec Suzuki remonte à 1980 et ensuite je n’ai pas raté une course jusqu’en 2003, et on en a gagné une dizaine…Ce qui n’est pas assez ! »
Quels sont les secrets pour gagner à Spa ?
D.M : « C’est la même exigence de rigueur que sur les autres circuits mais il y a effectivement quelques spécificités qu’on ne trouve pas ailleurs. C’est un tracé très rapide qui exige un châssis parfaitement réglé pour avoir la meilleure vitesse de passage en courbe. Le moteur est aussi très sollicité avec de longues lignes droites à pleine charge, même si la référence en la matière est la ligne droite du Mistral au Castellet où on est à fond pendant 21 secondes. C’est sans doute pour ces raisons que nous avons souvent gagné car la Suzuki est fiable et saine, bien adaptée à ce circuit de Spa éprouvant pour les machines et les pilotes. »
« L’autre particularité, c’est le brouillard, épais et dense qu’on retrouvait à chaque édition pendant la nuit. Je me souviens de Richard Hubin qui connaissait tellement bien le circuit qu’il se contentait de compter entre les virages quand il ne voyait rien. Il n’était pas rare parfois d’avoir 30 secondes au tour d’écart entre ceux qui savaient composer avec le brouillard et les autres. C’était d’ailleurs assez dangereux car les écarts de vitesse pouvaient être énormes. Et même si les travaux d’aménagement ont amélioré l’éclairage et que les phares ont beaucoup progressé maintenant, ça ne règle pas le problème du brouillard ! A Spa, la pluie et ce brouillard sont des paramètres qui peuvent intervenir et qu’il ne faut surtout pas négliger. »
« Ensuite, en tant que team-manager, il ne faut pas se louper sur les calculs de consommation car si un pilote tombe en panne d’essence dans le Raidillon, le temps qu’il ramène sa moto, la course sera terminée ! D’ailleurs, sans citer de nom, j’ai souvenir que certains concurrents cachaient des bidons d’essence derrière les rails tous les kilomètres mais je ne sais pas s’ils les ont utilisés ! »
Tu conserves donc de bons souvenirs de Spa ?
D.M : « A part les chutes ou les quelques soucis techniques qu’on a pu rencontrer, je garde d’excellents souvenirs de cette épreuve où l’ambiance est différente des autres circuits car le public belge est franchement jovial, c’est la fête partout même si la compétition nous impose d’être sérieux. Tu vois, par exemple, c’est le seul circuit où, en étant sur le podium, on avait gagné une friteuse. Ça fait longtemps maintenant mais c’est drôle et ça rend cet endroit attachant. La preuve, j’ai prévu d’aller à Spa début juin et crois moi, ce n’est pas pour rester à l’hôtel ! »
Crédit photos : Guy Thonus