Fabio Quartararo roulera toujours sur une Yamaha officielle en 2023 et 2024. Dans les coulisses du paddock, plusieurs mois durant, c’est son manager, Eric Mahé, qui a mené les négociations pour avoir l’assurance de disposer d’une moto performante. Il détaille la chronologie des événements en exclusivité à GP-Inside.
GP Inside : Comment se sont déroulées les négociations du nouveau contrat de Fabio avec Yamaha ?
Eric Mahé : « Pour que les négociations soient bonnes, il faut que les deux parties aient intérêt à travailler ensemble, ce qui était assez flagrant de la part de Yamaha qui voulait conserver Fabio puisqu’il est champion du monde et qu’il est de loin leur meilleur pilote. Nous avons donc commencé à parler de l’avenir en novembre dernier, en sachant que nous ne voulions pas nous précipiter et que notre souhait était de poursuivre ensemble, mais en précisant un certain nombre de points pour 2023 et 2024. Puis fin janvier, nous avons appris qu’à cause d’un souci de développement, la motorisation 2022 serait la même qu’en 2021, ce qui a jeté un froid puisqu’il nous semblait difficile de rééditer la performance de l’an passé avec les mêmes prestations moteur. Et comme notre objectif est de gagner un maximum de courses et d’être champion du monde le plus de fois possible, on a commencé à penser à évaluer d’autres possibilités. »
« La balle était alors du côté de Yamaha pour trouver une solution. Et nous avions besoin d’éléments tangibles pour avoir confiance en l’avenir. Nous avons donc effectué de nombreuses réunions techniques. Yamaha nous a exposé ses projets futurs, notamment l’adjonction d’un prestataire motoriste extérieur (Yamaha a embauché Luca Marmorini, ex-ingénieur Ferrari F1 et Aprilia, NDLR). Cette démarche nous a rassuré et nous avons ainsi pu reprendre les discussions pour finaliser le futur de Fabio. »
« De nos jours, les écarts sur la grille sont infimes, tout se joue au dixième de seconde près. Tu ne peux pas gagner si tu perds un dixième ou deux au tour et nos interlocuteurs japonais le savent. Ce n’est pas un aveu de faiblesse puisqu’on ne peut pas dire que la moto est mauvaise quand on est champion du monde et en tête du championnat actuel, c’est plutôt une preuve d’ouverture d’esprit pour anticiper l’avenir et c’est la réaction que nous attendions. Aujourd’hui, la situation est délicate si Fabio ne part pas devant car il est impossible de doubler, voire de garder l’aspiration dans les lignes droites. Et le fait d’être dans l’aspiration trop longtemps vous fait rester dans l’air ‘chaud’, qui provoque une augmentation de la pression du pneu avant et perturbe les phases de freinage et d’entrée en courbe…. Après, quand Fabio prend la tête dès le début comme il l’a fait à Portimao ou à Barcelone, ça passe. Il fallait donc impérativement avoir une solution pour améliorer la puissance du moteur et c’est ce qui va être fait l’an prochain. »
As-tu eu des discussions avec d’autres constructeurs ?
E.M. : « C’est mon job de prévoir plusieurs options et depuis le temps que je suis dans le paddock, j’entretiens de bonnes relations avec tous les décideurs. Ensuite, quelle équipe pourrait ne pas être intéressée par un champion du monde de 23 ans, qui n’en finit pas de progresser, qui a une bonne gueule et qui est sympa ? Fabio est un pilote exceptionnel qui tombe très peu parce qu’il a une perception innée de la moto. Il parvient à sentir la limite sans la dépasser, ce qui est fondamental pour marquer des points à chaque course. »
« Je pense aussi que ce qui fait sa force, entre autres, c’est qu’il n’a pas eu un parcours de ‘golden boy’, comme Rossi ou Marquez. Il ne faut pas oublier qu’avant d’arriver en MotoGP, il a connu trois années difficiles où il a dû savoir se remettre en question, trouver la façon de s’améliorer et il continue encore à apprendre. Il a encore une marge de progression même s’il est déjà ultra-performant. C’est cette capacité à trouver des solutions qui lui permet d’être aujourd’hui en tête du championnat et à composer avec ce dont il dispose, là où les autres pilotes Yamaha peinent à marquer des points à chaque GP. »
« Il a une telle vitesse de passage en virage qu’il parvient à minimiser son handicap moteur en ligne droite. En revanche, c’est plus compliqué avec un virage lent en début de ligne droite, comme au Mans à la sortie du Garage Vert, ou à Austin où il perdait quelques dixièmes au tour. Mais malgré ces difficultés techniques, Fabio gagne des courses et mène le championnat, donc son mérite n’en n’est que plus grand. C’est finalement encore plus valorisant que s’il avait le meilleur moteur du plateau et médiatiquement, les retombées sont encore plus fortes. »
Penses-tu que le titre puisse lui échapper ?
E.M. : « Nous sommes à peine à la moitié du championnat, la route est encore longue mais on sait que Fabio a déjà fait une première partie exceptionnelle, là où ses principaux adversaires ont été moins brillants en commettant des erreurs qui leur coûtent cher. En fait, c’est surtout Bastianini qui faisait peur avec ses trois victoires, mais on a vu qu’il était capable du meilleur comme du pire. Quant à Espargaro, il fait vraiment de belles choses avec l’Aprilia et il a beaucoup d’expérience, mais je ne suis pas persuadé qu’il parvienne à maîtriser la pression jusqu’au bout. On verra bien, nous on se concentre sur notre travail et on fera les comptes à la fin. »