La deuxième épreuve du championnat du monde d’endurance 2022 a lieu ce week-end en Belgique, sur le mythique circuit de Spa-Francorchamps, qui n’avait pas accueilli une course de cette envergure depuis presque vingt ans ! Ceux qui ont réussi à s’y imposer avant 2003 en conservent des souvenirs indélébiles, et ont pris plaisir à nous les raconter.
William Costes (vainqueur avec Honda en 1998) : « J’adore parler de Spa car j’y ai mes pires et mes meilleurs souvenirs ! Quand on discute de nos carrières entre pilotes ou avec d’autres motards, il y a forcément un moment où on évoque ce circuit, parce que c’est une expérience mémorable d’y rouler et qu’il s’y passe toujours quelque chose. C’est à Spa que j’ai vécu ma chute la plus spectaculaire, au bout de la ligne droite après le Raidillon où on arrive à près de 280 km/h. C’était en pleine nuit, il faisait totalement noir car la piste n’était pas éclairée et j’ai perdu l’avant sur une plaque d’humidité en prenant les freins ! J’ai évidemment glissé pendant de très longues secondes mais surtout, après m’être relevé, je ne retrouvais plus la moto dans le noir et il a fallu que j’attende les phares d’un autre concurrent pour voir où elle était ! Heureusement, j’ai pu la ramener aux stands et on a quand même gagné. Quel souvenir ! »
« J’ai dû faire les 24h de Spa quatre ou cinq fois et c’est un circuit qui marque une carrière. In se fait des sensations et des émotions que l’on ne retrouve nulle part ailleurs et j’adorais ce circuit où, sans prétention, j’allais vraiment vite. C’est un tracé ultra-rapide où tu te fais souvent peur. Je me souviens qu’il m’est arrivé de rentrer d’un relais de nuit sous la pluie où je tremblais comme une feuille tellement j’avais des montées d’adrénaline ! Passer dans Blanchimont à fond, plein angle, à plus de 200 km/h, sincèrement, c’est un truc de dingue. En fait, quand tu as roulé à Spa, les autres circuits, c’est de la rigolade ! »
Jean-Marc Delétang (lors de l’unique victoire de Yamaha en 2000) : « C’est une victoire que je n’oublierai jamais ! Un mois et demi avant l’épreuve, je m’étais fait une double fracture du bassin et, pour la course, on a eu 23h de pluie en 24h, c’était vraiment très dur mais c’est grâce à cette difficulté que nous avons gagné. Spa, c’est une course de guerriers où il faut faire preuve d’humilité et de beaucoup de vigilance, car le circuit est tellement grand que si tu tombes loin des stands, entre la distance et le dénivelé, la course est forcément compromise. »
« J’avais doublé mes relais de nuit parce que je m’y sentais vraiment bien dans le noir, sur le mouillé, dans ces conditions si délicates qui exigeaient une concentration maximale. Et quand le jour s’est levé, je savais qu’on avait passé le plus dur. C’est à partir de ce moment, avec mes coéquipiers Fabien Foret et Mark Willis, que nous avons scellé notre victoire. Notre team-manager, Martial Garcia, nous avait d’ailleurs donné cette consigne : on laisse passer la nuit et on attaque à l’aube ! Cette victoire nous a mis dans une bonne dynamique puisqu’on a gagné le Bol d’or dans la foulée. À l’époque, les trois circuits mythiques étaient Le Castellet, Suzuka et Spa. J’en ai donc gagné deux sur trois, c’est plutôt pas mal ! »
Marc Fontan (vainqueur avec Honda en 1980) : « Plus de quarante ans plus tard, la première image qui me revient en pensant à cette victoire à Spa, c’est moi, seul dans la nuit, au milieu d’un brouillard humide, à me concentrer pour soigner mes trajectoires. À part nos pauvres phares qui éclairaient juste devant la roue, il n’y avait pas de lumière sur le tracé et les seuls repères étaient des catadioptres dans les virages pour indiquer le point de corde… Je peux t’assurer qu’il fallait avoir les yeux bien ouverts ! »
« Il faut aussi se rappeler qu’à cette époque, nous n’étions que deux sur la moto et pas trois comme aujourd’hui ; c’était vraiment physique. Ce championnat du monde comportait neuf courses et toutes les marques étaient représentées. 1980, c’est l’année où j’ai obtenu le tire en endurance avec Hervé Moineau, cette victoire à Spa est donc un excellent souvenir même si les conditions étaient difficiles. J’ai toujours apprécié ce tracé très technique où il faut avoir un gros cœur. J’y ai roulé aussi en Grand Prix en 500cc et, crois-moi, avec une 500cc de l’époque, c’était du costaud ! »