Ducati a reconnu sa culpabilité dans l’échec de la première course de la Desmosedici GP22, au Qatar. La moto n’était pas prête et cela a causé des problèmes à tout le monde ; seul Johann Zarco (8e) a sauvé le meubles. Que s’est-il passé ? On vous explique en long, en large et en travers le pourquoi de ce bilan catastrophique. ✪ Contenu Premium. GP-Inside survit grâce à ses abonnés. Intégralité des articles, version sans pub, concours à chaque GP […] Soutenez notre travail, abonnez-vous et vivez la saison 2022 au cœur du MotoGP !
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Treize points : huit pour Johann Zarco (8e), plus cinq pour Luca Marini (13e). Huit points, c’est tout ce qu’ont ramené les cinq Ducati Desmosedici GP22 qui étaient alignées, en deux versions différentes, au Grand Prix du Qatar. L’ombre de la moto italienne planait sur la nouvelle saison, mais ce que tous les adversaires des Rouges redoutaient n’a pas eu lieu. Et le week-end a même tourné à la catastrophe.
Trois Ducati différentes en piste
La première information surprenante est tombée jeudi, comme un signe avant-coureur d’un Grand Prix qui allait mal se passer : trois Ducati différentes homologuées pour la saison, au lieu des deux prévues. Une première, la GP21 utilisée en 2021, confiée à Enea Bastianini, Marco Bezzecchi et Fabio di Giannantonio. Une deuxième, le modèle initial de la GP22 2022, pour les pilotes Pramac Johann Zarco et Jorge Martin, ainsi que pour Luca Marini de la VR46. Et une troisième, qui a pris le qualificatif d’« hybride » et que nous appellerons A-Spec dans ces lignes, pour les membres du team usine, Francesco Bagnaia et Jack Miller.
Que s’est-il passé ? Une première version du moteur a été testée à Jerez, en novembre 2021. Elle a ensuite été retravaillée durant l’hiver à Borgo Panigale, et une deuxième a été essayée à Sepang, en février. Trop brusque, selon certains pilotes. Cette version est celle dont disposent aujourd’hui Johann Zarco et Jorge Martin. Francesco Bagnaia a lui demandé à revenir à la première, celle de Jerez. Ainsi été née la GP22 A-Spec. Et comme une équipe d’usine est obligée de présenter deux machines identiques, Jack Miller s’est aussi retrouvé avec cette monture.
Une moto qui n’était pas prête
La bombe a explosé dimanche, quand Francesco Bagnaia s’est adressé à la presse après la course. D’ordinaire calme, le vice-champion du monde est sorti de ses gonds, expliquant que sa Ducati n’était tout simplement pas prête. Et qu’il avait passé une partie du Grand Prix à faire du testing, pendant que ses rivaux préparaient leur course.
« J’ai été pilote d’essai jusqu’en FP3. Je ne suis pas là pour être essayeur, mais pour rouler et gagner des courses. Nous avons fait un millions de tests sans pouvoir définir le meilleur package possible. (…) Depuis le début des tests hivernaux, je n’ai jamais piloté la même moto plus de deux séances consécutives. Je n’ai jamais pu travailler pour adapter mon style de pilotage à la moto, ou au circuit ici à Losail », s’est-il plaint. Et son team-manager, Davide Tardozzi, de reconnaître au micro de The Race que son pilote avait raison. « C’est notre faute, pas la sienne. »
Frustré, l’homme que tout le monde désignait comme le favori a ainsi implicitement revendiqué sa position de pilote numéro un chez Ducati. La firme italienne n’a pas dit autre chose par ses actes : un contrat prolongé jusqu’en 2024, et l’acceptation de son souhait de revenir au moteur essayé à Jerez, même si cela devait conduire à homologuer une troisième moto pour 2022.
Pourquoi ce manque de préparation ? D’abord, parce que tout ne se passe pas toujours comme prévu, et qu’à un tel niveau, les détails manquants se paient très cher. Ensuite, les allers-retours entre moteurs GP22 et GP22 A-Spec durant l’hiver n’ont pas aidé, sans parler des autres pièces qui vont avec – Pecco le dit, il n’a jamais piloté deux fois la même machine. Certains observateurs estiment aussi que Ducati est tombé dans le piège du ‘trop’ de pilotes.
La pré-saison ne s’est pas non plus déroulée dans des conditions idéales, avec seulement cinq jours de tests à Sepang et Mandalika, en février 2022. Sept en comptant novembre 2021 à Jerez, mais les motos amenées deux mois plus tard avaient été retravaillées. En plus de cela, la dernière partie des essais de Sepang a été gâchée par la pluie. Et à Mandalika, à la pluie se sont ajoutés des problèmes de propreté de la piste, qu’il a fallu nettoyer en roulant pour commencer à travailler.
Francesco Bagnaia soulève un autre élément important dans sa critique de la méthode de travail de Ducati : « Dans le passé, ça ne se passait pas comme ça. Il y avait des teams satellites qui travaillaient plus sur ces choses. » En d’autres termes : il estime que l’équipe Pramac n’a pas été assez « utilisée » pour le testing. Mais avec Jorge Martin là-bas, Ducati y a un potentiel candidat au titre. Et lui faire tester des pièces pendant un Grand Prix, c’est inévitablement condamner une partie de ses chances.
Un mauvais premier Grand Prix
À Losail, tous les pilotes équipés d’une GP22 ont souffert. Francesco Bagnaia a rencontré des soucis d’électronique. « Nous avons rencontré des problèmes que nous devons comprendre », a pesté Jorge Martin. Des « problèmes techniques » ont aussi touché Johann Zarco en FP1, et par conséquent, le Français n’a « pas pu tout mettre bout à bout » durant le week-end. Tout cela couronné par un abandon de Jack Miller, lui directement lié à l’électronique.
Que s’est-il passé pour l’Australien ? Les prototypes MotoGP ont un dispositif qui permet de les situer sur le circuit. L’électronique détecte la position et s’adapte aux spécificités de la piste, selon où se trouve la moto. C’est ce dispositif qui n’a pas fonctionné pour Jack Miller. Il entrait dans la ligne droite mais la moto se croyait dans un virage, et vice-versa. De quatrième au départ, il a dégringolé au classement. Jusqu’à renoncer au 8e tour, alors qu’il était hors des points.
Une moto officielle aux stands, une autre à terre : celle de Francesco Bagnaia, tombé au 12e tour alors qu’il tentait de s’emparer de la 8e place de Jorge Martin. Emporté, l’Espagnol n’a rien pu faire, et sa GP22 a rejoint la version A-Spec dans le bac à graviers. Tout un symbole de la situation affrontée par le constructeur italien.
Ces problèmes de réglages sont-ils aussi à l’origine des mauvais départs des Ducatistes ? Toutes les GP22 ont raté leur envol à Losail. Entre la grille de départ et le deuxième virage, Jorge Martin a perdu 7 places (de la pole à 8e), Francesco Bagnaia 6 places (de 9e à 15e), Jack Miller 5 places (de 4e à 9e), Johann Zarco 5 places (de 13e à 18e, lui n’a pas pu enclencher son holeshot device à l’avant), Luca Marini 2 places (de 17e à 19e).
Question vitesse de pointe aussi, on se rend compte que quelque chose ne va pas. La première GP22, celle de Francesco Bagnaia, n’apparaît qu’au 9e rang d’un classement où on l’annonçait dominatrice. L’Italien s’est lui-même dit surpris d’avoir du mal à doubler d’autres pilotes en ligne droite, alors que c’était son point fort l’an dernier.
Ducati a ainsi dû remettre ses espoirs sur les épaules d’un homme, Enea Bastianini, équipé d’une GP21. La moto avec laquelle Francesco Bagnaia avait dominé la fin de saison 2021. Une moto déjà parfaitement réglée, qui en était à sa troisième course à Losail après les deux de l’an dernier. Et qui en est à sa troisième victoire consécutive, après celles obtenues par Pecco à Portimao et Valence, en novembre dernier.
Voilà pour la première sortie de la GP22. La suite ? Tout va très vite en MotoGP,et la catastrophe du Qatar va électriser les ingénieurs de Borgo Panigale. Tout est finalement résumé par Johann Zarco : « La moto a un grand potentiel et nous pouvons être là. Peut-être a-t-on besoin de plus de temps pour tout régler. »
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